Écrit par 10h00 Facteurs Environnementaux, Facteurs Génétiques

Impact des perturbateurs endocriniens sur la fertilité dans le monde entier/Impact of endocrine disruptors on fertility worldwide.

An English version follows

La reprotoxicité est tout phénomène de toxicité (rayonnement) pouvant altérer la fertilité de l’homme ou de la femme ou altérer le développement de l’enfant à naître (avortement spontané, malformation) (Elkhansa, 2016). Elle affecte la fécondité et/ou la fertilité, soit par une toxicité directe pour les gonades ou le système reproducteur, soit en induisant un comportement ne permettant plus la reproduction (Ludwig, 2011). Les problèmes d’infertilité touchent environ un couple sur 10 dans le monde (Beaudeux et Durand, 2011).

Chez l’homme, un déclin de la spermatogénèse a été observé, évalué à 50 % en 50 ans, ce qui est alarmant pour l’espèce humaine si on considère le caractère exponentiel de cette baisse de fertilité : diminution de 2% par an de la spermatogenèse ( Irvine et al., 1996; Emile, 2009). De nombreuses publications suggèrent un déclin de la quantité de spermatozoïdes chez l’homme depuis la seconde guerre mondiale.

Chez les femmes, l’exposition aux pesticides est un facteur de risque d’infertilité important. Ainsi, une étude publiée en 2003 a mis en évidence dans une population de femmes ayant des problèmes d’infertilité que le facteur de risque le plus important était la préparation et l’utilisation de pesticides et particulièrement de fongicides; le risque d’infertilité étant multiplié dans ce cas par 27 (Greenlee et al., 2003). Une étude réalisée par Santé Canada a montré que le risque de fausse couche et de prématurité était plus grand dans les familles dans lesquelles le père avait manipulé certains pesticides. Le risque de fausse couche était 1,9 fois supérieur si le père avait manipulé des thiocarbamates, du carbaryl et d’autres pesticides. Le risque d’accouchement prématuré était de 1,7 à 2,4 fois plus élevé si le père avait manipulé des pesticides comme l’atrazine, le glyphosate ou des pesticides organophosphorés (Perry, 2008). Les perturbateurs endocriniens sont non seulement susceptibles d’affecter la génération exposée, mais également les descendants de cette génération. D’autres études (Anway et Skinner, 2008) suggèrent que des pathologies dues à des perturbations endocriniennes, comme des affections de la prostate, des reins, des anomalies dans la spermatogenèse ou encore des cancers peuvent également être transmis par-delà les générations, en affectant les mécanismes d’expression des gènes (épigénétiques) (WWF, 2011). Les perturbateurs endocriniens constituent une bombe à retardement, les effets pouvant ne se manifester qu’à l’âge adulte et se transmettent d’une génération à l’autre (Duval et Simonot, 2011). Les produits chimiques présents dans le corps d’une femme gestante ou allaitante peuvent également être transférés au fœtus ou au nourrisson par transfert placentaire ou par le lait maternel (Flaws et al., 2020). Le fœtus en développement est particulièrement vulnérable aux effets des perturbateurs endocriniens. Bien qu’il soit maintenant bien établi que certains produits chimiques et pharmaceutiques peuvent traverser le placenta; il y a cinquante ans, on pensait que le placenta agissait comme une barrière, protégeant le fœtus en développement contre tout médicament ou produit chimique présent dans le corps de la maman. La période fœtale est particulièrement à risque et peut engendrer des maladies à l’âge adulte. Ce concept porte le nom de « DOHaD », pour « origine développementale de la santé et des maladies » (Chiapperino et al., 2017). Les perturbateurs endocriniens interfèrent avec le processus normal de la méthylation (qui est une sorte de protection de l’ADN vis -à-vis des aggressions issues de son milieu) de l’ADN et conduisent à des anomalies de l’expression des gènes associés aux fonctions de reproduction qui seront transmises aux générations futures via les cellules germinales/souches (WWF, 2011). Les mutations de l’ADN sont héréditaires et peuvent entraîner des maladies héréditaires. D’autres types de changements héréditaires peuvent être programmés dans l’ADN: il s’agit de changements épigénétiques (épimutations) qui ne modifient pas la façon dont l’ADN est régulé et transformer en protéines, mais qui sont réversibles par rapport à la méthylation qui est irréversible. Il a été démontré que les perturbateurs endocriniens causent plusieurs types de modifications épigénétiques dans les cellules germinales qui, chez la progéniture (enfants) issue du sperme et des ovules, entraînent une propension accrue aux troubles endocriniens et neurologiques chez la génération suivante (petits-enfants) (Walker et Gore, 2017). Des études récentes ont fait état d’associations entre l’exposition environnementale et professionnelle aux pesticides (1ère famille ou classe des perturbateurs endocriniens) et la réduction de la qualité du sperme, c’est-à-dire influençant l’un des quatre paramètres (la concentration, la motilité, la morphologie et l’intégrité de l’ADN) (Carlo et al., 2022). Si nous ne prenons garde, nous risquons de léguer des cellules germinales atteintes à nos enfants qui par la suite auront des répercussions de génération en génération. 

Si nous ne prenons garde, nous risquons de léguer des cellules germinales atteintes à nos enfants qui par la suite aura des répercussions de génération en génération. 

Reprotoxicity is any phenomenon of toxicity (radiation) that can alter fertility in men or women or alter the development of the unborn child (spontaneous abortion, malformation) (Elkhansa, 2016). It affects fecundity and/or fertility, either through direct toxicity to the gonads or reproductive system, or by inducing behaviour that no longer allows reproduction (Ludwig, 2011). Infertility problems affect around one in 10 couples worldwide (Beaudeux and Durand, 2011).

In humans, a decline in spermatogenesis has been observed, estimated at 50% over 50 years, which is alarming for the human species if we consider the exponential nature of this decline in fertility: a decrease of 2% per year in spermatogenesis (Irvine et al., 1996; Emile, 2009). Numerous publications suggest a decline in sperm count in humans since the Second World War.

In women, exposure to pesticides is a major risk factor for infertility. A study published in 2003 showed that in a population of women with infertility problems, the most important risk factor was the preparation and use of pesticides, particularly fungicides, which increased the risk of infertility 27-fold (Greenlee et al., 2003). A study carried out by Health Canada showed that the risk of miscarriage and prematurity was greater in families in which the father had handled certain pesticides. The risk of miscarriage was 1.9 times greater if the father had handled thiocarbamates, carbaryl and other pesticides. The risk of premature delivery was 1.7 to 2.4 times higher if the father had handled pesticides such as atrazine, glyphosate or organophosphate pesticides (Perry, 2008). Endocrine disruptors are likely to affect not only the exposed generation, but also the descendants of that generation. Other studies (Anway and Skinner, 2008) suggest that pathologies caused by endocrine disruption, such as prostate and kidney disorders, spermatogenesis abnormalities and cancer, can also be transmitted across generations by affecting gene expression mechanisms (epigenetics) (WWF, 2011). Endocrine disruptors are a time bomb, with effects that may not become apparent until adulthood and are transmitted from one generation to the next (Duval and Simonot, 2011). Chemicals present in the body of a pregnant or breastfeeding woman can also be transferred to the foetus or infant through placental transfer or breast milk (Flaws et al., 2020). The developing foetus is particularly vulnerable to the effects of endocrine disruptors. Although it is now well established that certain chemicals and pharmaceuticals can cross the placenta, fifty years ago it was thought that the placenta acted as a barrier, protecting the developing foetus from any drug or chemical present in the mother’s body. The foetal period is particularly at risk and can lead to illness in adulthood. This concept is known as « DOHaD », for « developmental origin of health and disease » (Chiapperino et al., 2017). Endocrine disruptors interfere with the normal process of DNA methylation (which is a kind of DNA protection against environmental aggression) and lead to abnormalities in the expression of genes associated with reproductive functions that will be passed on to future generations via germline/stem cells (WWF, 2011). DNA mutations are hereditary and can lead to hereditary diseases. DNA mutations are hereditary and can lead to hereditary diseases. Other types of hereditary changes can be programmed into DNA: these are epigenetic changes (epimutations), which do not alter the way DNA is regulated and transformed into proteins, but which are reversible compared with methylation, which is irreversible. Endocrine disruptors have been shown to cause several types of epigenetic changes in germ cells that, in the offspring (children) derived from sperm and eggs, lead to an increased propensity for endocrine and neurological disorders in the next generation (grandchildren) (Walker and Gore, 2017). Recent studies have reported associations between environmental and occupational exposure to pesticides (1st family or class of endocrine disruptors) and reduced sperm quality, i.e. influencing one of four parameters (concentration, motility, morphology and DNA integrity) (Carlo et al., 2022). If we are not careful, we run the risk of bequeathing damaged germ cells to our children, which will then have repercussions from generation to generation.

Références

Anway, M.D. et Skinner M.K. (2008). Epigenetic programming of the germ line : effects of endocrine disruptors on the development of transgenerational disease. Reproductive Biomedicine Online, 16(1):23-25. https://doi.org/10.1016%2Fs1472-6483(10)60553-6

Auger, J., Kunstmann, J.M. , Czyglik, F., et Jouannet, P. (1995). Decline in semen quality among fertile men in Paris during the past 20 years. New England Journal of Medical, 332, pp 281-285. https://doi.org/10.1056/nejm199502023320501

Beaudeux, J.-L., & Durand, G. (2011). Biochimie médicale: marqueurs actuels et perspectives. Médecine Sciences.

Chiapperino, L., Panese, F., et Simeoni, U. (2017). L’épigénétique et le concept DOHaD : vers de nouvelles temporalités de la médecine “personnalisée” ? Revue Médicale Suisse, 13(548), 334–336. https://DOI: 10.53738/REVMED.2017.13.548.0334

Carlo, G., Valentina, M., Daniele, C., Simone, S., Edlira, S., Giancarlo, B., Andrea, B., G. (2022). L’influence environnementale et professionnelle des pesticides sur la fertilité masculine : une revue systématique des études humaines. Andrologie, 10(7): 1250-1271. https://doi.org/10.1111/andr.13228

Carlsen, E., Giwercman, U., Keiding, N. et Skakkebaek, N.E. (1992). Evidence decreasing quality of semen during past 50 years. Biological Medical Journal, 305, pp 609-613. https://doi.org/10.1136/bmj.305.6854.609

Duval, G., et Simonot, B. (2011). Les perturbateurs endocriniens: un enjeu sanitaire pour le XXI ème siècle. Air Pur, 9–17.

Elkhansa, Y. (2016). Effet de certains perturbateurs endocriniens (pesticides) sur la reproduction chez le rat Wistar. Thèse de Doctorat d’Université. Université Badji Mokhtar-Annaba. 173 p.

Chiapperino, L., Panese, F., et Simeoni, U. (2017). L’épigénétique et le concept DOHaD : vers de nouvelles temporalités de la médecine “personnalisée” ? Revue Médicale Suisse, 13(548), 334–336.

Emile, C. (2009). Quel rôle pour les perturbateurs endocriniens dans l’infertilité humaine ? 1–4. https://doi.org/10.1016/S0992-5945(09)70051-0

Flaws, J., Damdimopoulou, P., Patisaul, H. B., Gore, A., Raetzman, L., & Laura N. Vandenberg. (2020). Plastiques, santé et produits chimiques Perturbateurs Endocriniens (PE). 104 p.

Greenlee, A. R., Arbuckle, T.E., et Chyou P-H. (2003). Risk factors for female infertility in an Agricultural Region. Epidemiology, 14, pp 429-436. https://doi.org/10.1097/01.ede.0000071407.15670.aa

Irvine, S., Cawood, E., Richardson, D., Macdonald, E., et Aitken, J. (1996). Evidence of deteriorating semen quality in the United Kingdom: birth cohort study in 577 men in Scotland over 11 years. Biological Medical Journal, 312, pp 467-471. https://doi.org/10.1136/bmj.312.7029.467

Ludwig S. (2011). Comportement d ’ un  » Perturbateur Endocrinien  » et d ’ un  » non Perturbateur Endocrinien  » vis-à-vis de la toxicité testiculaire chez le rat. Thèse de Doctorat d’Université. Université Paris Sud 11. 337 p.

Perry, M.J. (2008). Effects of environmental and occupational pesticide exposure on human sperm: a systematic review. Humanity Reproduction Update, 14(3), pp 233-242. https://doi.org/10.1093/humupd/dmm039

Walker, D. M., et Gore, A. C. (2017). Epigenetic impacts of endocrine disruptors in the brain. Front Neuroendocrinol., 44, 1–26. https://doi.org/10.1016/j.yfrne.2016.09.002

World Wildlife Fund. (2011). Perturbateurs endocriniens & biodiversité La diversité biologique face au risque chimique : nécessité d ’ un changement de paradigme. 32 p.

(Visited 13 times, 1 visits today)

Last modified: 13 septembre 2023

Fermer