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C’est à partir d’observations réalisées dans le monde animal qu’a été évoqué pour la première fois le lien entre certains faits cliniques et la présence de polluants industriels dans l’environnement. En 1961, l’alerte a été donnée sur les ravages des épandages aériens de pesticides, leurs effets destructeurs ou perturbateurs sur la faune sauvage et prédiction des répercussions possibles sur les humains (Carson, 1962). En 1970, des découvertes ont été faites sur le phénomène « imposex », c’est-à-dire les femelles de certains escargots de mer développaient un pénis en plus de leur appareil génital (Smith, 1971). Vers la fin des années 70, la production d’huîtres du bassin d’Arcachon est presque réduite au néant. Leurs coquilles étaient mal formées et elles se reproduisaient peu. La cause est due à un pesticide à l’étain, le Tributylétain (TBT), contenu dans les peintures antisalissure qui servaient à protéger la coque des bateaux (Smith, 1981). Au début des années 1982, le phénomène des imposex chez les escargots de mer revient mais, cette fois-ci baptisé « femelle à pénis ». De plus, et pour la première fois, il y a eu une description sur le mécanisme hormonal. Les mâles escargots de mer sont aussi perturbés et deviennent parfois des « mâles sans pénis » (Féral et Gall, 1983). Ces gastéropodes deviennent une espèce sentinelle qui sert de bio-indicateurs sur la pollution de l’eau de mer au TBT. (Gibbs et al., 1987). L’année 1978, marque la découverte des poissons mâles qui sont féminisés en aval des stations d’épuration de l’eau. Une proportion importante de ces poissons mâles est devenue hermaphrodite et porte des œufs. Ce changement de sexe est causé par des substances chimiques imitant les hormones femelles ou par des hormones de synthèse provenant de la pilule contraceptive des femmes (Tyler et Jobling, 2008). En 1991, le constat sur le déclin des populations d’aigles à tête blanche dans la région des Grands Lacs, aux Etats-Unis est révélé, suivi des mécanismes hormonaux avec pour cause à effet, les polluants chimiques comme des polychlorobiphényles (PCB) et des pesticides, dont le Dichlorodiphényltrichloroéthane (DDT) (Colborn, 1991). C’est ainsi qu’a débuté un nouveau concept, situé à l’interface de nombreuses autres disciplines. L’expression « perturbateur endocrinien (PE) » est apparue formellement aux Etats-Unis en 1991, lors d’un colloque organisé par la Fondation W. Alton Jones. Des scientifiques américains attiraient l’attention sur le fait qu’un grand nombre de substances chimiques naturelles ou produites par l’homme et disséminées dans l’environnement possèderaient la capacité de perturber le système endocrinien de nombreuses espèces animales, y compris l’espèce humaine (Multigner et Kadhel, 2008). A l’issue du colloque de Waybridge en Angleterre (1996), un PE a été défini comme étant « une substance exogène induisant des effets délétères chez un organisme sain, ou sa progéniture, suite à des altérations de son système endocrinien ». En 1996, une comparaison s’est faite entre des alligators d’un lac voisin non pollué et pollué. Les mâles adultes du lac pollué n’ont plus les mêmes capacités de reproduction : ils ont un micropénis et un taux de testostérone fortement diminué. Les femelles alligators du lac pollué développent des malformations des ovaires, avec des ovocytes anormaux contenant plusieurs noyaux (Guillette et al., 1996). Peu de temps après (1997), l’Environmental Protection Agency (EPA) proposait une définition à caractère très « mécanistique » et selon laquelle un PE est « une substance exogène qui interfère avec la production, la sécrétion, le transport, le métabolisme, la liaison, l’action ou l’élimination des hormones naturelles responsables du maintien, de l’homéostasie et de la régulation des processus de développement ». De son côté, en 2002, l’OMS a qualifié un PE comme étant «une substance exogène ou un mélange qui altère la/les fonction(s) du système endocrinien et, par voie de conséquence, cause un effet délétère sur la santé d’un individu, sa descendance ou des sous-populations» (Vandenberg et al., 2009). En 2002, les effets nocifs de l’herbicide atrazine sur l’appareil reproducteur des grenouilles mâles a été observés, ce qui compromet la survie de l’espèce. L’herbicide dérègle leur système hormonal, dans le sens d’une féminisation. Il provoque l’apparition d’individus hermaphrodites. Il affaiblit leur système immunitaire (Hayes et al., 2006). En 2011, les ibis blancs mâles deviennent homosexuels lorsque leur nourriture est contaminée avec du mercure à des doses environnementales. Les perturbateurs endocriniens sont donc capables d’altérer non seulement la physiologie des animaux causant des malformations génitales, mais aussi leur comportement sexuel (Jayasena et al., 2011).
Observations made in the animal world first suggested a link between certain clinical events and the presence of industrial pollutants in the environment. In 1961, the alarm was sounded about the ravages of aerial pesticide spraying, its destructive or disruptive effects on wildlife and predictions of possible repercussions on humans (Carson, 1962). In 1970, discoveries were made about the ‘imposex’ phenomenon, whereby the females of certain sea snails developed a penis in addition to their genitalia (Smith, 1971). Towards the end of the 1970s, oyster production in the Arcachon Basin was reduced to almost nothing. Their shells were poorly formed and they reproduced very little. The cause was a tin pesticide, Tributyltin (TBT), contained in the antifouling paints used to protect boat hulls (Smith, 1981). At the beginning of 1982, the imposex phenomenon in sea snails returned, but this time under the name of « female penis ». In addition, and for the first time, there was a description of the hormonal mechanism. Male sea snails are also disturbed and sometimes become « penisless males » (Féral et Gall, 1983). These gastropods have become a sentinel species, serving as bio-indicators of TBT pollution in seawater. (Gibbs et al., 1987). 1978 saw the discovery of male fish that were feminised downstream of water treatment plants. A significant proportion of these male fish have become hermaphroditic and are carrying eggs. This sex change is caused by chemical substances that mimic female hormones or by synthetic hormones from women’s contraceptive pills (Tyler and Jobling, 2008). In 1991, the decline in bald eagle populations in the Great Lakes region of the United States was revealed, followed by hormonal mechanisms with chemical pollutants such as polychlorinated biphenyls (PCBs) and pesticides, including dichlorodiphenyltrichloroethane (DDT), as the cause (Colborn, 1991). Thus began a new concept, at the interface of many other disciplines. The term « endocrine disruptor (ED) » made its formal appearance in the United States in 1991, at a symposium organised by the W. Alton Jones Foundation. American scientists drew attention to the fact that a large number of natural or man-made chemical substances disseminated in the environment had the capacity to disrupt the endocrine system of many animal species, including humans (Multigner and Kadhel, 2008). At the Waybridge symposium in England (1996), an EP was defined as « an exogenous substance that induces deleterious effects in a healthy organism or its offspring as a result of alterations to its endocrine system ». In 1996, a comparison was made between alligators from a neighbouring unpolluted and polluted lake. The adult males from the polluted lake no longer had the same reproductive capacity: they had a micropenis and greatly reduced testosterone levels. Female alligators from the polluted lake developed ovarian malformations, with abnormal oocytes containing several nuclei (Guillette et al., 1996). Shortly afterwards (1997), the Environmental Protection Agency (EPA) proposed a very « mechanistic » definition, according to which an EP is « an exogenous substance that interferes with the production, secretion, transport, metabolism, binding, action or elimination of natural hormones responsible for the maintenance, homeostasis and regulation of developmental processes ». In 2002, the WHO defined an EP as « an exogenous substance or mixture that alters the function(s) of the endocrine system and, as a consequence, causes a deleterious effect on the health of an individual, offspring or subpopulations » (Vandenberg et al., 2009). In 2002, the harmful effects of the herbicide atrazine on the reproductive system of male frogs were observed, compromising the survival of the species. The herbicide disrupts their hormonal system, leading to feminisation. It causes the appearance of hermaphroditic individuals. It weakens their immune system (Hayes et al., 2006). In 2011, male white ibises became homosexual when their food was contaminated with mercury in environmental doses. Endocrine disruptors are therefore capable of altering not only the physiology of animals causing genital malformations, but also their sexual behaviour (Jayasena et al., 2011).
Références
Hayes T. B., Case P., Chui S., Chung D., Haefele C., Haston K., Tsui M. (2006). Pesticide mixtures, endocrine disruption, and amphibian declines : are we underestimating the impact? Environmental Health Perspective, 114(1):40–50. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/16818245
Smith B.S. (1971). Sexuality in the American Mud Snail, Nassarius Obsoletus Say. Journal of Molluscan Studies, 39, 5p. https://doi.org/10.1093/oxfordjournals.mollus.a065117
Féral C. et Le Gall S. (1983). The Influence of a Pollutant Factor (TBT) on the Neurosecretory mechanism responsible for the occurrence of a penis in the females of Ocenebra Erinacea. Molluscan Neuro-Endocrinology, Amsterdam, pp 173–175. https://hmr.biomedcentral.com/articles/10.1007/BF02367105
Tyler C.R. et Jobling S. (2008). Roach, sex, and Gender-Bending chemicals: The feminization of wild fish in english rivers. BioScience, 58(11):1051–1059. https://academic.oup.com/bioscience/article/58/11/1051/264727
Carson R. (1962). Silent Spring. https://en.wikipedia.org/wiki/Silent_Spring
Colborn T. (1991). Epidemiology of great lakes bald eagles. Journal of Toxicology and Environmental Health, 33(4):395–453. https://doi.org/10.1080/15287399109531537
Gibbs, E. P. Bryan, G. W. Pascoe, P. L. Burt, G.R. (1987). The use of the Dog-Whelk, Nucella Lapillus, as an indicator of Tributyltin (TBT) contamination. Journal of the Marine Biological Association of the United Kingdom, 67, pp 507–523. https://doi.org/10.1017/S0025315400027260
Guillette L. J. J., Pickford D. B., Crain D. A., Rooney A. A., et Percival, H. F. (1996). Reduction in penis size and plasma testosterone concentrations in juvenile alligators living in a contaminated environment. General and Comparative Endocrinology, 101, pp 32–42. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/8713642
Jayasena N., Frederick P. C., et Larkin I. L. V. (2011). Endocrine Disruption in white ibises (Eudocimus Albus) caused by exposure to environmentally relevant levels of methylmercury. Aquatic Toxicology, 105(3–4):321–327. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/21801696
Multigner L., et Kadhel, P. (2008). Endocrine disruptors, concepts and reality. Environnement. pp 710–717.
Smith B. S. (1981). Male characteristics on female mud snails caused by antifouling bottom paints. Journal of Applied Toxicology, 1, pp 22–25. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/7185870
Vandenberg L.N., Maffini M.V., Sonnenschein C., Rubin B.S. et Soto A.M. (2009). Bisphenol-A and the great divide: a review of controversies in the field of endocrine disruption. Endocrine Revue, 30(1):75-95. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/19074586
Endocriniens Historique Perturbateurs
Last modified: 3 octobre 2023